Comme dans tout projet, tout sport, il faut refaire ses gammes, ne pas croire que tout est acquis et plus spécialement 20 ans après.
Alors je me suis inscrit en programme accéléré pour reprendre toutes les formations sur la navigation, sujet qui m’était peut enclin de creuser à l’époque car c’était plutôt à fond ça passe, si tu choques tu es un lâche …
Alors au programme pour le mois de Janvier révision de la navigation et manipulation de la carte, des courants …
Et sur ce sujet il y a fort à faire car il y un domaine que je ne connais pas la navigation au sextant, ça ce sera pour l’année prochaine pour la qualification, donc il ne faut pas traîner.
Mon pauvre neurone est obligé de se rappeler et de jongler avec les cours de Trigo de 3ème, je peux vous dire, ça chauffe et ça fait du bien .
Allez à bientôt.
TRANSCASCOGNE 1989
CHINOOK – Plan Stagnol
LOIC et BRUNO sont dans un bateau.
Prologue
Départ réussi, manque de concentration, défaut de réglage ——> pas de vitesse ——> retrouvé à la fin ——> dernier.
PREMIERE ETAPE
Bourgenay ——> La Corogne
Départ devant tout le monde, mais déjà les autres concurrents nous dépassent ; toujours ce blocage après le départ. Trop contractés, nous ne laissons pas le bateau s’exprimer.
Avec le peu de vent qui règne sur le plan d’eau, les positions bougent au gré des risées. Nous passerons de la 4ème à la lère place et vice—versa. En fin d’après—midi le vent se stabilise, les places aussi.
VIGNOTTES et COTES DE LUMIERE s’envolent. Rien à faire contre ces prototypes « dernier cri » avec des équipages pros. Nous nous battons pour la 3ème place, cela tout le monde l’avait compris avant le départ. Derrière eux la bagarre commence. A la tombée de la nuit nous sommes en 4ème position. Le rideau tombe, le vent monte et c’est sous spi et dans un vent très variable en force et en direction que nous bataillerons. Des manœuvres incessantes, nous enverrons plus de dix fois les spis dans la nuit et nous irons autant de fois au tapis, mât dans l’eau, spi en débâcle. Pas question de dormir, d’ailleurs je ne dormirais que 4 heures sur 73 heures de course. Une belle régate sur 340 miles !!
Au lever du jour, personne autour de nous. Devant ? Derrière ? Un bateau à l’horizon derrière nous, par recoupage des positions nous sommes 3èmes. VIGNOTTES et COTES DE LUMIERE pas très loin devant: on y croit.
Dans ces vents capricieux qui tourbillonnent autour de nous, tout est possible. La tension monte.
La journée se passe, à la recherche d’un vent plus fort et dans la bonne direction. En fin d’après-midi nous décidons de partir sur l’option SUD, c’est-à-dire de foncer sur l’ESPAGNE. En effet les vents de la côte pourraient être plus favorables. La nuit le vent change sous chaque nuage, la lune éclaire faiblement, nous nous ferons surprendre par ces brusques changements et le bateau termine souvent couché sur l’eau, surtoilé.
Au matin pas de vacation radio, nous sommes éloignés de tous les autres concurrents qui sont plus à l’OUEST. Le vent est vraiment très faible, nous croisons des cargos qui apparaissent et disparaissent comme des fantômes, seul le bruit de leurs moteurs subsiste dans la brume. Les autres ont—ils plus de vent ? On devrait voir la côte ? Vitesse nulle à quasiment nulle.
Il ne reste plus grand chose à manger, pour limiter le poids nous n’avons pas de gaz, pas de conserve, juste des rations de survies et un plat auto chauffant par jour et par personne.
Le moral baisse, avec le manque d’information. Le vent revient timidement et nous redémarrons sous spi, alors que les autres serrent le vent pour se rapprocher de la côte. Notre erreur, croyant être suffisamment près de la côte nous perdrons une demi—journée devant la pointe nord-ouest de l’Espagne à batailler contre les courants. Et au lendemain matin, HORREUR, la flotte est devant nous. Nous fonçons à la côte, et c’est en faisant du ras de cailloux devant les falaises espagnoles que nous reviendrons sur les autres concurrents.
Les nouvelles sont très mauvaises, en début d’après—midi, VIGNOTTES serait arrivé ainsi que COTES DE LUMIERE. Un troisième concurrent est attendu, deux autres sont proches de l’arrivée dont le bateau CHAMPAGNE-ARDENNES, pas de nouvelles des autres collègues. Soudain dans le brouillard naissant, on aperçoit un bateau qui nous rattrape (PETIT POIDS). Un farouche duel commence, une mini Coupe de l’America. La connaissance de la régate en dériveur nous permet de contenir cet audacieux personnage (Pierre ROLLAND). Un marquage serré ne le laisse pas passer, pourtant il grossit de plus en plus pour terminer à nos côtés. Là les positions se tiennent. A coup de virement nous essayons de le décramponner, mais il nous suit. Dans cette bataille nous avalerons ESE le fameux concurrent qui devait déjà être arrivé. (A l’arrivée Marie Agnès nous dira combien elle avait été impressionnée par cette remontée fulgurante). Le brouillard se fait plus dense. On ne voit plus à 20 mètres. Nous en profiterons pour nous échapper.
Par la vacation radio nous apprenons qu’aucun autre bateau à part les deux premiers n’a passé la ligne. Le moral des bateaux encalminés devant nous et dans le brouillard est à la baisse; le notre à la hausse. C’est grâce à une navigation sans faille avec la radio Gonio que nous approchons du but. Toujours pas de 3ème en ligne. La nuit tombe, le brouillard se lève et le vent tombe complètement. Nous entendons les bateaux des pêcheurs espagnols passer à toute vitesse autour de nous. Pourvu qu’ils nous voient. A 2 miles de l’arrivée, toujours pas de nouvelles des autres concurrents. Nous nous gardons bien de donner notre position.
Le vent fait cruellement défaut, la ligne est en vue, notre progression très lente. Pas de bateau aux environs (il faut dire que les feux sont éteints pour empêcher tout repérage par l’ennemi)
Nous sortons une arme à laquelle la règle nous donne droit, les rames. Nous franchirons la ligne à 2,2 nœuds alors que les autres avec leur simple rame ne vont qu’à 1,8 nœud.
A 2 heures du matin la ligne est enfin franchie et à la troisième place. Pas mal pour des bizuts. Il était temps plus rien à manger depuis un jour et demi. Le 4ème CHAMPAGNE-ARDENNES et le 5ème, SNCF, franchiront la ligne une heure plus tard avec 30 secondes d’écart entre eux deux. Les autres arrivées s’étaleront jusqu’à 5 heures du matin.
Au vu du retard pris dans le petit temps, nous n’avons qu’une demi-journée pour récupérer. Départ de la deuxième étape dans l’après—midi.
DEUXIEME ETAPE
Corogne ——> Port Bourgenay
Le vent est au rendez—vous. C’est fois—ci le départ est raté. Nous voyons les autres s’envoler. Ce type de temps ne convient pas à notre bateau plus agile dans les petits airs. C’est donc en dernier que nous abordons la bouée de dégagement.
Déjà VIGNOTTES et COTES DE LUMIERE distancent la flotte. Les spis montent, la vitesse aussi. Nous arrivons à maintenir la cadence et à diminuer l’écart avec le restant des concurrents, et hop encore un derrière.
A la tombée de la nuit une première avarie, la mâchoire du tangon qui s’accroche au mât, casse. Loïc prend la perceuse et les rivets, démonte, pique une autre pièce sur un petit tangon, et ça repart. Nous filons au ras de la côte pour bénéficier des courants.
Durant toute la nuit, nous empannerons (changer la grand voile et spi de côté aux allures portantes) pour parcourir le moins de chemin possible. Au petit matin nous sommes 4èmes avec une bonne avance sur nos poursuivants. Nous sommes entre le groupe de tête et les autres. Dorénavant il nous faut regagner cette place de troisième. Premier PETIT POIDS, deuxième VIGNOTTES, troisième COTES DE LUMIERE. En fin de matinée, une barre nuageuse arrive sur nous, pas de doute, un passage de front, sous ces nuages des vents de 40 nœuds. Nous nous y préparons, cela va être le début de la chevauchée fantastique. Passé la première bourrasque, nous renvoyons de la toile. Spi maxi (70 rn2), grand voile haute, pied au plancher. Le bateau part au surf, vitesse: 14 nœuds.
Puis soudain, c’est trop. Le bateau déséquilibré par une vague part au tapis, à bord c’est le borde…
Le mât dans l’eau, accrochés à la coque, le bateau ne se redresse pas. Il faudra 1/2 heure pour récupérer le spi sans dommage. L’ordre remis, nous repartons de plus belle. Par contre à l’intérieur il y a du dégât: les bidons chargés d’eau salée qui nous servent de ballast se sont décrochés sous la violence du choc et ont arrachés l’électronique. De plus, un panneau solaire a pris l’eau faisant un court-circuit dans une batterie. L’ingénieur Chavoix au rapport; Loïc plongera dans les tréfonds humides et mouvementés pour remettre un peu d’ordre. Bilan: le boitier central est inutilisable, seules la VHF et la radio Gonio peuvent fonctionner, mais pas en même temps, normal vu que l’autre batterie est malade.
Donc joyeusement nous planons de vagues en vagues. D’ailleurs celles-ci changent d’allure, les hauts fonds du Golfe de Gascogne sont fidèles au rendez-vous des amateurs de sensations fortes. Creux de six mètres garantis, déferlantes comprises. Le passage des grains est fascinant. La mer sous un ciel noir de nuages a une couleur émeraude avec des tramées blanches des embruns poussés par le vent. Toute la nuit nous surferons de vagues en vagues à 14 nœuds de moyenne, avec comme voilure une grande voile réduite de moitié et un foc à l’avant. Plus besoin de spi à cette vitesse.
Loic passe par-dessus bord
Cette épisode n’avait pas été relaté à l’époque pour ne pas effrayer nos familles, mais maintenant il ya prescription. Alors je l’insère dans notre mémo.
Dans cette nuit mouvementée, je suis à la barre, Loic va à l’avant ranger le génois qui risque de se faire arracher lors de nos surfs sous spi. Il y va armé de la lampe frontale. Tout d’un coup je vois la lampe frontale passer le long du bord, je suis à plus de 12noeuds sous spi, sans pilote, Loic est passé par-dessus, je regarde le compas pour vérifier le cap, regarde ma montre pour noter l’heure et m’apprête répète mentalement la manœuvre que je dois faire pour affaler, faire demi-tour et rechercher Loic. Puis soudain je vois par un clair de lune la main de Loic accrochée à la filière à l’avant. Surtout ne pas bouger, il est maintenu par la vague d’étrave, il arrive à remonter. Désormais, nous penserons à nous attacher. Bon dieu nous sommes quand même des sacrés barjots. Cela aurait pus mal ce terminer. Leçon à méditer.
Suite
Les premières hallucinations nous guettent, Loïc verra un chat dans le mât ce qui lui vaut une belle frayeur, moi je parle avec des gens qui d’ailleurs me répondent et j’ai beau leur dire que je suis en course, ils continuent à bavarder … A la fin de la nuit un doute nous étreint, et si les autres étaient sous spi ? Tu penses quoi le moyen, le petit, le grand ???
A l’aube naissante le vent mollit, nous renvoyons la toile pour accélérer la cadence. Attention, c’est parti! Le bateau se cabre et part comme un fou. Loïc a bien du mal à tenir le bateau. Je règle sans cesse le spi pour essayer de maintenir notre trajectoire. En rattrapant une vague (à plus de 17 nœuds), le bateau ne réussit pas à remonter la pente et s’enfonce comme un sous-marin. La vague d’étrave monte jusqu’à 3 mètres, l’eau submerge le pont, le bateau se cabre, sort de l’eau et repart dans un surf terrifiant. Où allons-nous ?
Quant tout d’un coup nous plantons dans une vague, le bateau freiné par cette masse d’eau s’arrête. Le mât plie, le bateau rejaillit de la vague et en pleine accélération un taquet de bastaque lâche sous la tension, le spi emporte le mât.
C’est fini, nous n’avons plus de mât. Très vite il faut se débarrasser de celui-ci au risque qu’il crève la coque.
Adieu mât, voiles, tangon
Nous sommes à 150 miles de la côte, dans un Golfe de Gascogne tourmenté. Nous préparons un gréement de fortune. Un tangon par-ci, un bout par-là. Nous hissons une voile d’avant. Loïc contacte un concurrent avec l’antenne de secours. C’est CHAMPAGNE-ARDENNES qui dans la matinée nous apportera de la nourriture, car nous allons sans doute passer du temps avant de revenir. Fini les 16 nœuds, bonjour les 2 nœuds. La mort dans l’âme nous nous résignons à notre sort. Tiens un autre concurrent nous passe. Le temps s’améliore, il fait beau, on sèche les affaires. Ayant un peu récupéré de sommeil, nous pensons que nous pourrions avancer plus vite. On bricole et oh joie, nous atteignons les 5 nœuds. Il nous arrive même de planer avec la houle et les vagues persistantes. Si tout va bien au lieu d’une semaine nous pourrions mettre deux jours. Nouveau défi s’annonce; arriver avant la remise des prix!!!
Au bout d’un jour, la côte est en vue. Nous appelons le Comité des Courses. Nous sommes encore dans les temps, et de plus notre sauveteur et messager, CHAMPAGNE-ARDENNES, n’est toujours pas là. Regain d’activité à bord de CHINOOK, nous sommes encore en course.
Un plaisancier se déroute pour nous porter assistance intrigué par CHINOOK décapité de son mât et avec une voilure peu commune. “Non merci, nous sommes en course”.
C’est bien étonné, que celui-ci verra CHINOOK le doubler et le laisser sur place.
L’arrivée va être encore un beau suspense, arrivera, arrivera pas ? Le temps s’écoule … La barrière des 24 heures (temps limite maximum après l’arrivée du premier) se rapproche … Toujours pas de CHAMPAGNE-ARDENNES en vue.
Le vent baisse, mais il en reste un peu pour nous épargner de ramer.
Appel radio, préparez le café, on arrive dans 10 minutes. Nous passons la ligne 1 heure et 15 minutes avant l’heure limite et de plus avant-dernier avant un gréement de fortune. Pour nous c’est une bonne performance, confirmée par l’accueil chaleureux de l’ensemble des concurrents qui ne nous attendaient pas de sitôt. Même les premiers nous ont avoués leur inquiétude lorsque le vent est tombé, ils nous croyaient juste derrière à l’affût. Quel soulagement pour eux de nous avoir su démâté !!
Retour à Paris, nouvelle surprise, ma banque a bloqué mon compte, la voile ça ne fait pas sérieux !!
Pour nous c’est l’heure des bilans, fort de notre expérience, nous allons pouvoir donner les dernières modifications au plein de la future série.
Le bilan est pour notre part positif. Avec les faibles moyens, nous avons pu inquiéter les meilleurs qui surtout possédaient une grande expérience et un matériel éprouvé. Nous avons préparé ce bateau en trois mois et nous avons navigué seulement 3 jours avant la première épreuve.
La suite, un grand classique, vendre notre bateau pour payer nos dettes, préparer un dossier pour rechercher un partenaire pour nos prochaines aventures.
Promis, je reviendrai.
Tout a commencé sur le lac du Der en Haute Marne vers 1962-66, mes parents, frères et soeurs allions au club le Dimanche ( il n’y avait pas encore le « Grand Der »). Mes parents m’avaient offerts un bateau pneumatique, et attaché au ponton j’ai commencé a manier les rames.
Puis est venu le temps de l’Optimist construit dans le garage, mon père autodidacte en construction marine me fit un beau cadeau, et j’ai commencé à écumer lacs et mers de bretagne sur ma caisse à savon.
Grandissant dans la section sport du club, j’ai usé mes culottes sur des 420, 470 et puis enfin je me suis envolé sur la Yole Ok de mon frère Jean, quel bateau !!!
Dans le même temps mon frère Jean et une bande de copain de l’époque ont préparé la Mini-Transat de 1977 sur un muscadet, j’avais 16ans, et déjà l’aventure me guettait au coin du plan d’eau. Mon frère Jean ( Nous sommes 5 frères et soeurs et ont tous usé leurs cirés; mes 2 frères continuent à croiser d’ici delà), fit le retour des Antilles, via les bermudes et les acores. Là encore j’ai gouté à quelques bords et cela sentait bon le grand large.
La suite vous pouvez la lire dans la rubrique palmarès. La mer ne fut jamais bien loin même si je lui ai fait quelques infidélités.
Hé oui, il était temps, après 20 ans.
Un projet, d’autres projets, la vie tout simplement.
Et puis, une pause, une réflexion et une évidence.
Je remets ça !!!
A bientôt.
Bruno